24HEURES / REQUERANTS DEBOUTES ASILE / (17/09/2004)
Un espoir renaît

Jean-Claude Mermoud a accepté la proposition d'Amnesty International de reconsidérer les dossiers des 523 déboutés. Mais il a refusé un moratoire sur les renvois.

LES FAITS
Hier après-midi, Jean-Claude Mermoud a rencontré une délégation d'Amnesty International (AI) au Château. L'organisation non gouvernementale a ensuite informé des résultats de la négociation sur les 523 requérants déboutés. Principale avancée: le Conseil d'Etat accepte qu'une commission d'experts réexamine tous les cas (250 environ). Le gouvernement prendra sur lui de représenter à Berne certains dossiers jugés boiteux par la commission. En revanche, la demande d'AI d'un moratoire de six mois est clairement refusée. La procédure de réexamen prendra quelque temps, mais le Conseil d'Etat refuse de considérer ce délai comme un sursis.

Les délégués d'Amnesty International (AI) ont rencontré hier Jean-Claude Mermoud durant une heure. «Il nous a d'abord exposé son point de vue avant de nous entendre, relate Daniel Bolomey, secrétaire général d'AI. Il a nettement refusé notre demande de moratoire, au motif qu'il ne faut pas donner de faux espoirs aux gens. Nous avons également parlé de l'aide au retour, un sujet sur lequel nous ne sommes pas tout à fait d'accord. Mais le conseiller d'Etat a confirmé qu'il se rendrait prochainement sur le terrain.»

Le secrétaire général a ensuite fait part de l'acceptation du Conseil d'Etat de faire revoir tous les dossiers par une commission d'experts. «Ce qui est important, c'est que cette commission ne se bornera pas à déceler les erreurs manifestes. Elle prendra en compte d'éventuels nouveaux éléments, comme, par exemple, un changement de situation professionnelle. Mais, surtout, elle sera habilitée à se prononcer sur le critère de la proportionnalité des décisions de Berne», poursuit le secrétaire général.

Le frein psychologique
Ce point-là implique que les experts pourront se prononcer sur la manière dont les critères de la circulaire Metzler ont été utilisés. «Nous avons vu des cas où ces critères ont été utilisés trop sévèrement, note Denise Graf, coordinatrice pour les réfugiés. Par exemple, il y a beaucoup de familles fortement traumatisées. Les parents comme les enfants suivent un traitement psychologique. Ces gens ont consenti de gros efforts d'intégration, mais Berne n'a pas tenu compte du fait que les blessures pouvaient freiner cette intégration.» Dans certains cas, les fonctionnaires de l'ODR (Office fédéral des réfugiés) n'ont pas eu les dossiers médicaux.

La future commission sera composée d'un nombre restreint de personnes, selon les v½ux du Conseil d'Etat, qui désire que les choses aillent très vite. Amnesty y est cordialement invitée, mais cette dernière doit réfléchir au rôle exact qu'elle y jouera. L'organisation redoute de se trouver en position de devoir approuver des renvois. Les dossiers jugés propres à un réexamen par l'ODR seront proposés au Conseil d'Etat, qui assumera de les représenter à Berne.

Jurisprudences du TF
AI fait valoir que le travail doit se faire en profondeur. Plusieurs jurisprudences du Tribunal fédéral, portant notamment sur l'intégration après un séjour de plus de dix ans et sur l'intégration des jeunes arrivés ici mineurs, n'ont pas été respectées. «Je trouve décevant que le Conseil d'Etat n'accepte pas de parler de sursis pour les requérants, commente Daniel Bolomey. Il n'y aura pas de renvoi avant réexamen et en tous les cas pas de renvoi avant mardi. Mais dès qu'un dossier aura été jugé propre au renvoi, la procédure se mettra en marche. Seuls les requérants dont le dossier interroge la commission seront prévenus par lettre.»

Denise Graf a déjà transmis au Conseil d'Etat une liste de 54 dossiers, dont 29 de personnes seules et 25 de familles, comportant des anomalies. A noter que deux familles ont déjà obtenu un permis. Mais il serait hasardeux d'en déduire qu'une majorité des 523 déboutés vont voir leur ciel s'éclaircir. La décision reviendra toujours en dernier lieu à Berne.

Précisons encore que Jean-Claude Mermoud n'a pas souhaité commenter la rencontre d'hier.
LISE BOURGEOIS


Les Demiri déménagent

REFUGES
Accompagnée de sympathisants, la famille a quitté Malley hier soir pour rejoindre l'église de Bellevaux. En 2001, le lieu avait déjà servi de sanctuaire.

«Je suis content de bouger, ça fait du bien!» Pour Bekim Demiri, 12 ans, c'est l'heure du déménagement. Lui et sa famille, réfugiés depuis trois semaines à la maison paroissiale de Malley, ont fait leurs valises et leurs adieux, hier soir. Le camion de déménagement les attendait, ainsi qu'un cortège de véhicules sympathisant. Destination? Une autre église, celle de Bellevaux. Celle-là même qui avait accueilli pendant plus de quatre mois, il y a trois ans, neuf Kosovars, finalement autorisés à prolonger leur séjour...

Tout un symbole? Guy Dottrens, pasteur des lieux: «Depuis 2001, l'association «En quatre ans on prend racine» continue de tenir ses assemblées ici, il y a donc toujours eu un lien. Pour ce qui est de l'accueil, les choses se sont décidées très vite: le Conseil synodal nous a proposé d'ouvrir nos portes, et nous avons accepté.» Tous les paroissiens n'ont d'ailleurs pas pu être mis au courant. Des craintes quant à leurs réactions? «Tous ne seront peut-être pas ravis, mais avec notre expérience passée, nous avons l'habitude de négocier. Je ne me fais pas de soucis.»

Le sous-sol de l'église de Bellevaux servira de sanctuaire jusqu'au 29 septembre, date à laquelle la paroisse organise une manifestation qu'elle ne peut annuler. Reste à savoir si d'ici là, la famille Demiri sera rejointe par d'autres «pensionnaires». Cesla Amarelle, vice-présidente du Parti socialiste vaudois: «Nous savons que trois femmes déboutées ont déjà tenté de se suicider. Si l'incertitude se prolonge, il serait peut-être bon que les personnes en situation délicate se réunissent sous un même toit, pour pouvoir être suivies convenablement.»
Gregory Wicky