«Sans vouloir critiquer nos autorités, il semble que les décisions de
renvoi vite fait bien fait devraient être suspendues»
C'est un propos que j'entends souvent ces temps-ci: les médias, les
journaux, prolifèrent d'informations négatives, sur des catastrophes,
des attentats, des désastres écologiques, de quoi désespérer tout un
chacun. Sans tomber dans un optimisme naïf, j'aimerais rappeler une
réalité très positive en cette Journée internationale des droits
humains, l'efficacité de l'action de certaines organisations non
gouvernementales, je pense en particulier à Amnesty International.
Depuis de nombreuses années, Amnesty fait signer par beaucoup de
personnes des lettres pétitions adressées à des gouvernements, leur
demandant de faire cesser la violation de leurs droits dont sont
victimes maints humains. Comme le rappelle Jörg Keller, porte-parole de
la section suisse, des centaines de malheureux dans le monde ont pu,
grâce à des appels à leurs gouvernants, retrouver la possibilité
d'exprimer une opinion politique divergente, ne plus être torturés,
éviter des peines horribles comme la lapidation, bénéficier d'un procès
intègre, alors qu'ils étaient restés en prison pendant des années sans
que jamais leur culpabilité ait été le moins du monde fondée.
Quelques exemples: Carlos Manzo, d'origine mexicaine, était récemment
de passage en Suisse pour évoquer ce qu'il a vécu à Union Hildalgo, une
localité située au sud de son pays. Carlos Manzo a protesté, avec
quelques amis, sans violence, contre un projet d'élevage intensif de
crevettes qui risquait de polluer gravement l'environnement. Cette
démarche, ainsi qu'un certain nombre de critiques adressées aux
autorités lui ont valu d'être arrêté et de passer sept mois en prison.
Amnesty a lancé une action dans le monde entier, de nombreux fax et
lettres ont été envoyés aux gouvernants de l'Etat d'Oaxaca. Carlos
Manzo a été libéré, mais sa situation reste précaire; il est très
conscient de l'importance de l'intervention d'Amnesty pour le faire
sortir d'un véritable ghetto.
Au Soudan, Mudawi Ibrahim a été
emprisonné, accusé de plusieurs crimes contre l'Etat. Directeur de
l'organisation soudanaise de développement social, il venait en aide
aux personnes déplacées dans le Darfour. Des pseudo-preuves étaient
retenues contre lui, entre autres la possession de documents d'Amnesty…
Il a été libéré en août 2004 et exprime avec reconnaissance la valeur
et l'efficacité du soutien d'Amnesty. «Poursuivez vos efforts,
déclara-t-il, et ne vous découragez pas, nous arriverons à faire de
notre terre un monde meilleur.»
La défense des droits féminins reste
une priorité dans la lutte pour le progrès humanitaire. En Turquie,
Sewim Yetkiner a été mise en prison après avoir assisté aux obsèques
d'un membre du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Présidente de
la section départementale de l'Association turque pour la défense des
droits humains, elle a retrouvé sa liberté grâce à une action lancée
par Amnesty. Elle pense que l'intervention de la grande ONG a eu un
effet positif sur la manière dont elle a été traitée en prison.
Dans
notre canton, j'aimerais mettre en évidence la participation d'Amnesty
à la défense des requérants d'asile déboutés. Il se trouve que de
graves déficiences semblent s'être produites dans l'analyse de certains
dossiers. Sans vouloir critiquer nos autorités, il semble que les
décisions de renvoi vite fait bien fait devraient être suspendues,
l'examen des dossiers approfondi sérieusement, ce que propose aussi le
conseiller national radical Yves Christen.
Pour conclure
provisoirement, l'engagement d'Amnesty et d'autres associations
humanitaires nous montre clairement que rien n'est jamais perdu si nous
savons agir dans un esprit de solidarité et d'ouverture. La défense des
droits humains doit rester une priorité incontournable. Comme le disait
Denis de Rougemont: «L'avenir est notre affaire!»
(1) Les informations rassemblées dans cette chronique sont tirées
d'Amnistie, journal d'action pour les droits humains, No 4/04.
Henri-Charles Tauxe, chroniqueur