«D’accord ou pas d’accord avec les pensées ci-dessous?»
Elles ont été choisies en relation avec l’incarcération pour expulsion de requérants d’asile déboutés, pères de famille: les refuges seront-ils évacués de force?
«Le respect de la loi vient après celui de ce qui est juste. La seule obligation que j’aie le droit d’adopter, c’est d’agir à tout moment selon ce qui me paraît juste. La loi n’a jamais rendu les hommes plus justes d’un iota; et, à cause du respect qu’ils lui marquent, les êtres bien disposés eux-mêmes deviennent les agents de l’injustice. Le respect indu de la loi a ce résultat qu’on voit des policiers agissant contre leur volonté, disons même contre leur bon sens et leur conscience.
Ils ne doutent pas que l’affaire qui les occupe soit une horreur; ils sont tous d’une disposition paisible. Or que sont-ils devenus? Des hommes ou de petits fortins déplaçables au service de quelque puissant sans scrupule?
La justice ne divise pas seulement les Etats ou les Eglises, elle divise les familles; elle divise l’individu, sépare en lui le diabolique du divin. Un tout petit nombre d’hommes – héros, patriotes, martyrs, réformateurs au sens fort, des hommes enfin – servent l’Etat avec leur conscience aussi et lui résistent nécessairement pour l’essentiel; et il les traite souvent en ennemis.
Des lois injustes existent: nous satisferons-nous de les amender, de leur obéir jusqu’à ce que nous y ayons réussi, ou les transgresserons-nous sur-le-champ? Les hommes, sous un gouvernement comme le nôtre, estiment en général qu’ils doivent attendre d’avoir persuadé la majorité de les amender. Ils pensent que, s’ils résistaient, le remède serait pire que le mal. Or c’est de la responsabilité du gouvernement lui-même que le remède soit pire que le mal. C’est lui qui le rend pire.
Une minorité est impuissante tant qu’elle se conforme à la majorité; ce n’est du reste plus une minorité; mais elle devient irrésistible quand elle la bloque de tout son poids.
Mon civil voisin le policier a volontairement choisi d’être un agent du gouvernement. Comment comprendra-t-il clairement ce qu’il est, ce qu’il fait en tant que fonctionnaire du gouvernement, ou en tant qu’homme, avant d’être obligé de décider s’il me traitera, moi son voisin qu’il respecte, en voisin et en homme de bonne volonté, ou en fou et perturbateur de l’ordre public?
Malgré sa perspicacité et son aptitude toutes particulières, il est incapable d’abstraire un fait de ses relations purement politiques, de le contempler dans l’absolu sous les feux de l’intellect – savoir, par exemple, ce qu’il convient qu’un homme fasse, aujourd’hui dans le canton de Vaud, à l’égard des requérants d’asile.
Quand je converse avec les plus libres de mes voisins, je note que, malgré tout ce qu’ils peuvent dire de l’importance et du sérieux du problème, la question se résume à ceci: ils ne peuvent se passer de la protection du gouvernement et redoutent les conséquences de la désobéissance sur leurs biens et leur famille.
Des milliers de gens sont opposés, en opinion, à l’expulsion, mais ils ne font rien pour y mettre un terme et s’asseyent les mains dans les poches; ils subordonnent même la question de la liberté à celle du libre-échange.» A chacun de répondre.
Ces pensées de 1849 sont extraites de La désobéissance civile de Thoreau (Ed. 1001 Nuits). Les mots «esclaves» et «soldats» ont été remplacés par «requérants d’asile» et «policiers», «esclavage» par «expulsion», «mon civil voisin le percepteur» est devenu «policier» et «les Etats-Unis d’Amérique» «le canton de Vaud».
JACQUES POGET, rédacteur en chef de 24 Heures