Voici plus d'une année et demie que l'actualité politique vaudoise est rythmée par l'affaire dite des «523» requérants déboutés. Une année et demie que les forces vives de la société civile et les institutions de ce canton se font front, sans trouver de solution à la question posée : peut-on renvoyer en toute dignité des femmes, des hommes et des enfants qui depuis longtemps vivent auprès de nous ? Peut-on user sur ces personnes des mesures de contrainte ?
Comme jamais auparavant, les Églises protestante et catholique de ce canton se trouvent sur le devant de la scène politique en défendant les requérants déboutés, ce qu'elles estiment être une cause juste. Depuis le début, la communauté juive s'y est associée. Peu présente médiatiquement et réservée, notre communauté se doit de l'affirmer publiquement aujourd'hui.
La motion du député radical Melly, acceptée par la majorité du Grand Conseil vaudois, a montré combien le Législatif du canton ne peut pas voir s'appliquer des mesures de contrainte inhumaines en cas de renvoi. Cette majorité politique a donné un signal clair au gouvernement pour qu'il mette fin à ces pratiques d'un autre âge. En vain, et ce alors que de nombreuses organisations de défense de la personne en Suisse et à l'étranger condamnent l'utilisation des mesures de contrainte. Beaucoup ont regretté que le Conseil d'Etat vaudois n'ait pas saisi la chance politique de la motion Melly pour régler ce drame. Nous nous y associons, d'autant plus que nos affiliations politiques respectives, radicale et socialiste, se doivent d'être dépassées dans pareille situation.
Mais c'est surtout en tant que juifs que nous écrivons, en tant que membre du comité de la Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud (CILV) et en son nom. A ce titre, nous ne pouvons que déplorer la position actuelle du Conseil d'Etat qui persiste à vouloir user d'artifice d'une autre âge pour forcer le retour des requérants déboutés. Pour tout croyant, cette position est intolérable, et imaginer que nos autorités politiques considèrent ce moyen comme la seule manière d'appliquer la loi nous laisse amers. Pour nous, se cacher derrière son application au sens strict de la lettre, sans compassion ni souci de reconnaître que parfois la justice se trompe, est inacceptable. Bref, elle menace de devenir totalitaire, et cette rigidité éveille de traites souvenirs vécus par nos parents.
On le comprend, la CILV ne veut pas, et ne peut plus rester discrète et hors du débat. Certes, notre Communauté ou ses membres entreprennent des actions ponctuelles sur ce dossier, car les requérants déboutés sont parfois des amis, des collègues de travail ou les camarades de classe de nos enfants. Certes aussi, nous nous allions aux Églises du canton dans des déclarations communes, ou nous parrainons, comme c'est le cas de l'un des signataires de ce texte, des requérants déboutés. Mais nous savons notre action modeste et symbolique. Ce que nous voulons aujourd'hui c'est donner une dimension publique à notre action et faire un appel Peut-être plus que toute autre communauté, notre devoir de mémoire passe par l'action à l'égard des plus fragiles et des plus démunis. Et c'est dans ce but que nous demandons au Conseil d'Etat et au Grand Conseil qu'ils trouvent ensemble une solution politique digne qui n'engendre pas que détresse et douleur à des personnes que nous avons accueillies.
Marcel Cohen Dumani, Membre du Parti radical et Laurent Schwed, membre du PS au nom de la CILV (Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud)