L'intervention du Grand Conseil
Prise de position parue dans le 24 Heures du 16-08-05

«Motion Melly: un choix démocratique»

Le 5 juillet, le Grand Conseil a pris une décision importante en acceptant une motion portée par le député radical Serge Melly. Celle-ci contraint le Conseil d'Etat à décréter qu'il renonce aux renvois forcés des «523». En l'état, ce groupe de requérants d'asile déboutés se compose de 260 personnes environ, soit 130 enfants mineurs nés pour la plupart en Suisse et 130 adultes vivant dans le canton depuis dixsept ans, dix ans ou cinq ans. Fermant les yeux sur leur réalité et parce qu'il s'agit d'asile, l'UDC fulmine forcément.

Pourtant, cette décision du Grand Conseil est cohérente. En août 2004, il avait déjà voté une résolution, portée par le radical Jean Martin, qui jugeait ces renvois humainement inacceptables. Sans être contraignante, cette première mise en garde s'est accompagnée quelques mois plus tard d'une rupture de collégialité des trois conseillers d'Etat de gauche qui ne souhaitaient pas légitimer ces renvois. Ces appels à la raison n'étant pas entendus, le Grand Conseil, en tant que première autorité du canton, a alors été forcé d'adopter une motion contraignante. Une décision qui respecte parfaitement la légalité. L'article 44 de la Loi sur l'asile prévoit que l'exécution du renvoi et l'usage des mesures de contraintes sont le fait des cantons, qui sont liés à l'examen du principe de non-refoulement et à la Convention relative aux droits de l'enfant. Conformément au principe de l'autonomie constitutionnelle des cantons, ceux-ci peuvent librement déterminer les autorités intervenant dans l'exécution de la décision fédérale. Première autorité cantonale, le Grand Conseil est en droit de décréter qui a la compétence de renoncer à des renvois spécifiques. Il est donc habilité à s'octroyer cette compétence s'il le souhaite en modifiant la Loi vaudoise d'application de la LSEE ou par décret. Des précédents existent, notamment à Neuchâtel.

Enfin, ce choix du Grand Conseil est démocratique. En se faisant l'écho de l'important engagement de la société civile vaudoise qui, depuis des mois, soutient concrètement ces personnes, le Parlement exerce sa fonction représentative. Une centaine de citoyens de tous bords politiques et de gens d'Eglise ont travaillé quotidiennement durant l'été pour parrainer ces personnes. Les coordinations asile des six régions du canton ont accueilli les familles dans les églises.

Que fait la majorité de droite du Conseil d'Etat? Au lieu de se recentrer sur les vrais problèmes, elle s'obstine à vouloir nous faire croire que le salut du canton passe par le renvoi forcé de 132 enfants et de 130 adultes traumatisés et épuisés par des mois de pression hebdomadaire en vue de leur renvoi. En totale violation de l'article 152 al. 1 de la Loi sur le Grand Conseil, la majorité du Conseil d'Etat met une pression maximale sur ces familles pour éviter que les enfants reprennent l'école. Elle utilise la police pour placer un chef de famille, survivant de Srebrenica, en détention administrative et s'apprête à l'installer demain, de force, dans un charter. Son épouse, qui porte tous les symptômes somatiques des femmes survivantes de Srebrenica, se cache avec ses quatre enfants en bas âge.

Si la majorité gouvernementale persiste dans son intransigeance, nous allons au-devant de situations de détresse extrêmes. Un terrible aveu d'indignité qui laissera des traces. La vie dans une société démocratique se fonde constamment sur des choix. Par sa décision, le Parlement cantonal a rempli son devoir d'autorité pour permettre une sortie digne et juste à une situation humainement et politiquement inadmissible. Rien d'anarchique là-dedans.

CESLA AMARELLE, vice-présidente du Parti socialiste vaudois